Après le procès des catholiques russes de rite oriental

Article d'Antoine Wengler, o.c. pp; 59 et svt

Après le procès des catholiques russes de rite oriental

Pour des raisons inexpliquées, sans doute en vue de confrontations ultérieures, plusieurs des russes catholiques condamnés en 1931 furent gardés en prison. Mgr Pie neveu écrit dans sa lettre du 1er février 1932:

" A la prison de Boutyrki, avec le petit père Vassiliev, que sa femme voit tous les dix jours (Il va bien), sont encore détenues la Sœur Hyacinthe, dominicaine (dans le monde Anna Zolkina) , Mlle Sapojnikova et la petite Nora Roubacheva."

Le père Vassiliev, à la prison de Boutyrki, partageait sa cellule avec l'archevêque orthodoxe Philippe, condamné à trois ans de détention dans un camp de concentration. On lui a incriminé ses relations avec le Vatican - il avait demandé pardon des déclarations de Serge sur la non persécution. " L'archevêque a dit qu'il était content de souffrir pour cette cause et il a prié le père Alexandre Vassiliev de me faire parvenir l'expression de son respect avec ses salutations. Ce que la femme du père (Nadejda Silvestrovna)  me communiqua aussitôt. L'archevêque ne recevait rien, mais il est bien vaillant." Le 20 décembre  Mgr Neveu a fait savoir ces nouvelles aux orthodoxes.

En juillet 1932 Neveu écrit:" A la prison de Boutyrki, les noms de la Sœur Hyacinthe (Anna Zolkina) de Nora Roubacheva, de Mlle Sapojnikova,  de Lioudmilla Polibina avaient été affichés parmi ceux des partants pour les camps de concentration. Hier, une personne qui était à la prison a eu la preuve que toutes ces personnes sont encore ici. Un an et demi, et plus, de prison préventive... C'est à n'y rien comprendre. Par contre, on m'assure que Mme Novitska (dont le mari, prêtre) est à Solovki, serait échangée bientôt à la frontière polonaise à l'occasion de la signature du pacte de non-agression"  Elle fut effectivement échangée, en même temps que son mari, détenu à Solovki, le 15 septembre 1932.

Le dernier à partir semble avoir été le père Vassiliev, comme Neveu nous l'apprend dans sa lettre du 29 août 1932:" Le 16 août le petit père Alexandre Vassiliev a quitté la prison de Boutyrki pour le camp de concentration de Medvejia Gora, au nord du lac Onega, non loin de Povienets, sur la ligne de Mourmansk. Sa femme n'a pu savoir encore pour combien de temps le père est condamné. A ce même endroit, se trouve le père Nicolas Alexandrov, qui travaille comme ingénieur et dans des conditions relativement supportables; sa fille Katia vient justement de partir pour aller le voir. J'ai prié cette enfant de signaler à son père l'arrivée du père Alexandre: à deux, on s'encourage davantage. On me dit que le climat de Medvejia Gora est sain. Le même jour, le 16 août, les femmes catholiques de Boutyrki ont été envoyées en déportation mais jusqu'à présent je n'ai pu savoir où. "Orémus pro afflictis" "Prions pour les affligés et les prisonniers."

         

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Prisonniers à Medvejia Gora. 

 

Anna Zolkina avait été déportée au-delà du Cercle polaire. Dans la lettre du 13 mai 1933, Neveu donne des détails sur les interrogatoires : " Samedi 11 j'ai pu avoir des détails authentiques sur les interrogatoires que la sœur Hyacinthe (Anna Zolkina), dominicaine, eut à subir à Boutyrki, avant d'être expédiée au Narymski Kraï. Une fois, le juge d'instruction du Guépéou, accompagné de tout un essaim d'élèves de l'école des juges d'instruction d'élèves soumis au Guépéou, interrogea la sœur devant tous ces "blancs-becs sinistres" venus là pour prendre une leçon pratique : ils torturèrent la pauvre fille (25 ans) pendant si longtemps  avec leurs questions concernant entre autre objet votre serviteur, Tania et Sophie (domestiques de Neveu)  ces éhontés pourceaux se permirent des questions tellement infâmes, que la pauvre sœur, personne très douce et tranquille, à peine rentrée dans sa cellule eut une véritable attaque de nerfs et pendant toute une heure poussa des cris horribles au point que le médecin et les surveillants, voyant les codétenues de la sœur très ameutée, vinrent bâillonner la pauvre malheureuse ."

Anna Zolkina sera libérée du camp en juillet en juillet 1934. Elle s'établit à Elets où elle fut à nouveau arrêtée en 1941 et condamnée à cinq ans de goulag.

Parmi les catholiques arrêtés le 15/16 février 1931 , il y avait outre les dominicaines, des tertiaires franciscaines, davantage insérées dans le monde, et dont le groupe ne fut pas l'objet d'un procès organisé comme celui des dominicaines de rite oriental. Il y avait parmi elles une demoiselle Nina Bykova. " Le 20 juillet jour de son départ pour Alma-Ata, elle vint à Saint-Louis pour communier et me faire ses adieux. Je lui dis les prières de l'Itinéraire et lus l'évangile de Saint Jean, car elle est malade. Je lui remis une aumône pour son voyage et les premiers jours de sa déportation, je pleurai avec elle, car tous ces départs me brisent le cœur, mais elle en me quittant  elle me remit une enveloppe en me disant : "Je vous prie de lire cela chez vous."  "C'est ce que je vous envoie. N'est-ce pas consolant de voir des sentiments pareils de foi et de force chrétienne." (Lettre de Mgr Neveu du 1er août 1932.)  

A Alma-Ata, elle trouve un petit travail, mais pas de prêtre pour lui donner la communion. Elle envoie à Neveu, en signe de reconnaissante affection, un brin de gypsophile, qui pousse là-bas dans la steppe. Mais dès le 24 octobre 1932, Neveu annonça la mort à déplorer de la jeune déportée. "Nous avons encore une mort à déplorer parmi les détenus à cause de leur foi: C'est la petite Nina Bykova (25 ans) survenue le 23 septembre à l'hôpital d'Alma-Ata. Il y a tout lieu de penser qu'elle est morte dans les mêmes sentiments qu'au jour de son départ, sentiments qu'elle avait encore exprimés au moment d'entrer à l'hôpital  dans la dernière lettre qu'on a reçue d'elle. Cette brave enfant, revenue de bien loin à la foi, puis convertie au catholicisme, avait su par sa piété et par sa joie s'attacher le brave homme qui lui louait une petite chambrette de sa maison. C'est lui qui a fait part de la mort et qui promet de venir à Moscou rapporter les pauvres hardes et de donner des détails sur sa mort. "In paradisum deducant eam angelis" (Que les anges la conduisent au paradis (liturgie des funérailles).

Terminons ce chapitre par des brèves notices sur les autres condamnés au procès.

Le sort final de Polibina et de Gardner  n'est pas connu.

Nora Roubachova après ses cinq ans de camp, rejoignit les dominicaines de Maloïaroslavets, où elle fut de nouveau arrêtée en 1949 et condamnée à quinze ans.

Sapojnikova après ses cinq ans de camp, fut libérée et s'établit à Podolsk où elle est morte en 1943.

Enfin le père Alexandre Vassiliev, condamné à dix ans, fut d'abord dirigé sur Medvejia Gora au camp du canal sur la mer Baltique. Muté à Oroulga près de Tchita il n'était plus du nombre des vivants en 1944. Mémoire éternelle à nos martyrs et confesseurs de la foi.

Nous concluons ce chapitre par ces vers du père Serge Soloviev, qui résument parfaitement la situation.

Toute la Russie n'est que souffrance

Gémissement du vent à travers les branches des bouleaux

Mais ces larmes et ce sang

Font croître l'attente

Ô Christ de Ton royaume.

 

Article suivant ; Le chemin de croix d'Anna Abrikossova.             

                    

   



01/09/2015
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