En prison 1923-1926

Considération  de l'exarque en prison

Je n'appartiens pas à la classe des sujets "hypocritement humbles" qui, après avoir protesté avec larmes et cris de leur indignité abaissent néanmoins leur tête sous l'homophore. J'ai un jugement sain et réaliste qui me presse de considérer toute question avec sérieux, surtout les questions la vie de l'Eglise. Si je suis un bon prédicateur, si je connais dans les détails la vie de l'Eglise orientale, si je suis capable de bien célébrer les offices et ai même un sens raffiné de notre rite. Si je suis patient comme un âne et sais me plier de tous les côtés, si parfois je fais preuve de grande énergie en défendant l'Eglise et n'épargne ni mes forces, ni ma santé, tout cela n'est pas encore un titre à l'épiscopat. Tout cela, n'importe quel prêtre peut le faire avec succès. On vous parlera de ma charité, de mon habileté: on fera l'éloge de ma douceur et de ma patience. On vous signalera ma capacité de pénétrer les âmes. Mais tout cela n'est que le résultat d'efforts successsifs. C'est de la vertu par nécessité. Ce sont des efforts qui ne me sont pas naturels et jamais ne s'identifient avec mon moi authentique. Tout cela n'est qu'un masque collé sur mon visage pour un certain temps, dans l'attente de l'homme complet auquel je pourrai remettre ce pesant fardeau avec un soupir de soulagement.  Je me suis examiné sévèrement et j'en suis venu à la conviction qu'un être bâti pour ramper ne doit pas tâcher de voler. Je suis incapable de travailler d'une manière personnelle et indépendante. Peut-être sais-je accomplir les ordres des autres, mais je ne suis pas un créateur. Je ne suis pas un Jacob luttant avec Dieu mais un Job couché sur son fumier. J'ai assimilé la pensée de l'Occident et sa clarté mais en fait la nature orientale passive me possède bien solidement et me reste réfractaire à toute action. Le livre, la cellule, la présence à l'autel et aux offices prolongés mais surtout la solitude, la fuite du monde, voilà l'atmosphère qui me convient; c'est là que je me sens comme un poisson dans l'eau. Je ne puis mener en même temps une vie active et contemplative. Vous avez combien j'aime les jésuites mais je ne me déciderai jamais à entrer dans leur ordre, car leur idéal d'unir la contemplation et l'action n'est pas à ma portée. Ce qu'il y a de plus dur pour moi c'est la société des hommes. Je les aime uniquement parce que le Seigneur le veut. Plus exactement je m'efforce de les aimer mais mon coeur leur reste étranger. Au cours des années pénibles que nous venons de traverser, je restais des heures assis dans mon fauteuil éclairé par la veilleuse devant l'icône en contemplant le visage du Christ. Je prenais conscience que j'étais coupé du monde. 

Il écrit au père Walsh

L'intérêt profond, le soin généreux (...) trois prêtres    un à Pétrograd le père Akoulof, un à Saratov, et un à Moscou. A Sololniki deux évêques orthodoxes et vingt prêtres. Nos communautés doivent vivre une vie de catacombes, je leur ai prescrit de de se réunir par petits groupes et de réciter les prières à voix basse. J'ai donné la consigne aux parents d'en seigner le catéchisme puisque cela est interdit aux prêtres.  



16/11/2011
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