La russie et le développement culturel européen

La dernière Byzance     La place de la Russie dans le développement culturel européen

Rome- Byzance - Kiev

Etudier la place de la Russie dans le développement culturel de l'Europe, c'est d'une façon ou d'une autre parler de religion. En effet, lorsqu'il s'agit de la période qui va du IVe jusqu'à l'année 1700 (c'est-à-dire jusqu'à l'âge des lumières, lorsque l'on dit culture, on dit religion, puisque la religion a été le cœur de la culture de cette époque. Non seulement on dit religion mais on dit christianisme, puisque  sous une forme occidentale ou orientale , se trouve être la religion de tous les pays européens.

 

On peut rappeler que la civilisation européenne, dans le monde post-romain et chrétien barbare, commence à prendre forme à l'Ouest en Gaule dès le Ve siècle; elle atteint l'Europe centrale et orientale peu avant l'an Mil; et finalement gagne l'Europe du Nord, la Scandinavie et la Lituanie etc. bien après l'an Mil. Cette civilisation européenne consiste dans la fusion des royaumes barbares avec l'héritage romain. Héritage qui confère à ces sociétés barbares un idéal, assez lointain, mais néanmoins réel, qui portera ses fruits beaucoup plus tard sous la forme d'un Etat véritable. Quand au contenu de cet héritage, il est constitué d'une série de valeurs spirituelles et morales collectives comme aussi d'institutions qui proviennent de l'Eglise chrétienne. C'est cette création qu'il s'agit de considérer aujourd'hui et de voir la place de la Russie dans cette histoire du monde post constantinien.

 

 

 

 

Les choses seront considérées sous leur aspect social et politique: il s'agit de saisir l'influence du christianisme , de l'organisation ecclésiastique sur la société, sur l'Etat et, en général, il s'agit de voir le développement d'une conscience collective ; ce que l'on appellera plus tard une conscience nationale. Je n'ai pas l'intention d'entrer beaucoup dans les questions théologiques proprement dites mais elle seront évoquées pour autant qu'elles touchent aux questions politiques, sociales, institutionnelles et aux questions de conscience politique, nationale.

Antithèse Russie-Occident.

Evidemment c'est à propos des formes religieuses en Russie que l'antithèse Russie-Occident est née pour la première fois dans les années 1830-40, c'est-à-dire à l'époque romantique du XIXe siècle. C'est seulement à cette époque-là (après une longue période où l'Europe avait l'impression que la Russie était plutôt assimilée comme à l'époque des Lumières du XVIIIe s.) que l'antithèse Russie-Occident prend forme. Au début de l'époque romantique, l'on redécouvre le Moyen-Âge, et on attribue une valeur suprême à la culture religieuse du Moyen-Âge, tandis que, à l'époque des Lumières, le Moyen-Âge était tout simplement une époque des ténèbres entre l'Antiquité et l'époque moderne.

 

La découverte du Moyen-Âge, et donc de l'Eglise du Moyen-âge, met en évidence le fait que la Russie provient de Byzance, alors que ce qu'on appelait à cette époque-là  et que nous appelons toujours l'Occident, provient d l'Eglise de Rome. Puisque la religion chrétienne et son expression institutionnelle, ecclésiastique, signifie toute une culture, toute une civilisation , il s'ensuit que, puisque la Russie est grecque et orthodoxe de religion, à la différence du reste de l'Europe latine et catholique ( sauf le sud des Balkans, cette Russie appartient à une autre culture que celle de l'Occident.

Certes ce contraste n'épuise pas la question  parce que d'abord cette déviation des Eglises ne remonte pas à la fondation du christianisme. Ensuite je crois qu'on peut démontrer que cette déviation existe, mais à l'intérieur d'une certaine unité, même aux époques de la plus grande hostilité entre Latins et Grecs , comme on disait aux au Xe-XIIIe s. Enfin de compte, il faut noter qu'à partir de cette année 1700 toute la chrétienté, ou les deux chrétientés commencent à être sécularisées.

 

Cette sécularisation, entre autres raisons, explique pourquoi la Russie a pu entrer avec une si grande facilité dans le concert de l'Europe du XVIIIe siècle, car avec le siècle des Lumières, il s'agit du premier siècle séculier depuis Constantin le Grand. Le phénomène de sécularisation est, je crois, spécifique, ou plutôt d'une société  chrétienne, ou anciennement chrétienne. En effet, dans la doctrine tout comme dans l'organisation insitutionnelle du christianisme il y a des éléments qui, dans certaines circonstances, suscitent une réaction de rejet, ce qui provoque ce qu'on appelle la sécularisation. Il est beaucoup plus difficile de séculariser une tradition confucéenne par exemple, ou une tradition islamique, que la tradition chrétienne. En pays islamique, ce que nous appelons modernité n'entraine pas forcément un refus de la tradition  religieuse. En Europe, et généralement dans le monde chrétien en tout cas, modernisation et christianisme entrent en conflit pour donner le phénomène de sécularisation.

 

On le voit, la Russie est insérée dans l'Europe, dans un développement d'un christianisme seulement à la fin du Xe siècle et elle hérite de la forme grecque, byzantine, orientale du christianisme. Mais la question n'est pas si simple, car il faut encore préciser de quelle Byzance, de quelle Eglise orientale, du christianisme. elle hérite en ce Xie siècle.

 

Premièrement, le terme byzance est impropre : les Byzanntins ne se font jamais appelés Byzantins, ils se font appelés Romains. Le terme byzantin est un terme injurieux de l'époque des Lumières qui ne voulait pas reconnaître à cette monstruosité autocratique le titre de romain. En fait, c'est l'historiographie qui a imposé le terme Byzance. Les hommes de cette ville s'appelaient encore romains. En fait, et leur ville s'appelait Constantinople..

 

Ensuite, de quelle Byzance, de quelle Eglise grecque, de quelle Eglise orientale, héritent-ils? Bien sûr c'est celle de la dynastie macédonienne : celle qui règne grosso modo depuis le milieu du IXe siècle jusqu'au milieu du XI e siècle. L'âge des empereurs macédoniens passe pour être l'âge d'or de la civilisation et de la culture byzantins et également de la puissance de l'Empire byzantin. Mazis il ne s'agit pas de l'Empire byzantin de toujours de l'Empire oriental, ni même de l'Eglise orientale de toujours. Il s'agit d'une Eglise grecque, constantinopolitaine, qui déjà possède une sorte de "conscience à moitié nationale". Elle a déjà conscience de constituer quelque chose d'à part et de supérieur dans le monde chrétien

 

Or il n'en a pas toujours été ainsi  La création d'un Empire byzantin, différencié de l'empire romain occidental, est quelque chose de récent à l'époque de la Russie au christianisme. Le terme Europe (qu'utilisaient  l'époque grecque classique, puis l'époque hellénistique) était peu employé à partir à partir de la christianisation de l'Empire romain. On parlait au contraire de la romanitas qui englobait la "latinité" à l'ouest et la "grécité" à l'est. La romanitas est la chrétienté, la res publica christiana. Telles ont été les coordonnées du monde méditerranéen, et plus tard post-romain barbare jusqu'au jusqu'au XVe-XVIe siècles C'est seulement à cette époque-là que le terme d'Europe commence à être utilisé mais toujours avec un sens double : il s'agit de l'Europe occidentale, une Europe qui est toujours une chrétienté latine. Pendant longtemps l'accent n'était pas mis sur latinité, grécité, l'accent était mis sur un concept plus vaste, la romanitas, la chrétienté.

La Genèse de Constantinople.

Il vaut la peine de définir les étapes par lesquelles, à l'époque des Macédoniens, dans ce monde qui pensait toujours essentiellement comme la chrétienté, Byzance a pu se former à part. Le premier trait de la religion byzantine primitive, c'est son caractère urbain. Il y avait relativement peu d'implantation dans les campagnes. En tant que religion urbaine la nouvelle Eglise était plus forte en Orient, au sans romain du terme c'est-à-dire la partie orientale et grécophone de l'empire, qu'en Occident, De multiples raisons expliquent cette situation ; la nouvelle religion est née en Méditerranée orientale. En Occident, en dehors de Rome, Carthage, Lyon,, il y avait beaucoup moins de grands centres qu'à l'est. Donc c'est une religion urbaine, de langue et de culture grecques et latines, grecques à l'est, latines à l'ouest, mais ce fait ne posait pas de grands problèmes.

Au début du IVe siècle, avec la conversion au christianisme de Constantin,, la situation ne change pas fondamentalement. Il n'y a pas de raison pour mettre en doute la piété personnelle de Constantin qui semble avoir été  beaucoup plus certaine que celle de Clovis par exemple. (Même si Constantin n'a été baptisé que sur son lit de mort,) Mais cette piété n'a pas été exclusive de toute autre de toute autre motivation : une des raisons qui le poussait à faire du christianisme la première la première religion de l'empire était son souci de garder l'Orient grec menacé par les Parthes. Ce souci explique de plus la fondation d'une deuxième capitale à l'est, à Constantinople, comme aussi la divion de l'empire en deux moitiés pour des raisons de défense contre les Parthes. Ce souci explique de plus la fondation d'une deuxième capitale à l'est, à Constantinople, comme aussi la divion de l'empire en deux moitiés pour des raisons de défense contre les Parthes. Certes la division de l'empire est antérieure à Constantin (elle remonte à Sulpicien), mais elle reçoit une forme beaucoup plus éclatante sous Constantin avec la création de Constantinople.

 

Constantinople, à travers les âges, va prendre une signification toute particulière. L'ancienne Rome n'a été à l'origine, qu'une ville païenne, est devenue chrétienne, et même la première ville chrétienne de l'empire, parce que elle était le siège du patriarche de l'Occident: celui qu'on appelra le Pape, le premier patriarche et le successeur de Saint-Pierre. Mais elle avait été d'abord une ville païenne, tandis que  Constantinople a été créée en tant que ville chrétienne, en tant que capitale chrétienne d'un empire qui sera désormais en premier lieu chrétien. Bien sûr, il y avait eu une ville grecque appelée Byzance, à l'emplacement de Constantinople, mais Constantinople est une deuxième Rome, une deuxième capitale qui avait comme vocation d'être la capitale chrétinne par excellence.

A vrai dire, dans les débuts cette conception n'est pas claire dans la mentalité des constantinopolitains, mais la liturgie impériale byzantine, elle va s'affirmer et s'imposer devant l'église grécophone.de l'empire, qu'en Occident. De multiples raisons expliquent cette situation : la nouvelle religion est née en Méditerrannée orientale. En Occiddent, en dehors de Rome, Carthage, Lyon, il y avait beaucoup moins de grands centres qu'à l'est. Donc c'est une religion urbaine, de langue et de culture grecques et latines, grecques à l'est, latines à l'ouest, mais ce fait ne posait pas de grands problèmes.

Au début du IVe siècle, avec la conversion au christianisme de Constantin, la situation ne change pas fondamentalement. Il n'y a pas de raison pour mettre en doute la piété personnelle de Constantin, qui semble avoir été beaucoup plus certaine que celle de Clovis par exemple. (Même si Constantin n'a pas été baptisé que sur son lit de mort). Mais cette piété n'a pas été exclusive de toute autre motivation : une des raisons qui le poussait à faire du Christianisme la première religion de l'Empire, était son souci de garder l'Orient grec, menacé par les Parthes. Ce souci explique de plus la fondation d'une deuxième capitale à l'est, à Constantinople comme aussi la division de l'Empire en deux moitiés pour des raisons de défenses contre les Parthes. Certes la division de l'Empire est antérieure à Constantin. (Elle remonte à Sulpicien, mais elle reçoit une forme beaucoup plus éclatante sous Constantin. avec la Création de Constantinople.

 Constantinople, à travers les âges., va prendre une signification toute particulière. L'Ancienne Rome n'a été, à l'origine, qu'une ville païenne, est devenue chrétienne, et même la première ville chrétienne de l'Empire. parce qu'elle était le siège du Patriarche de l'Occident : celui qu'on appellera le pape, le premier Patriarche et le successeur de Saint-Pierre. Mais elle avait d'abord été une ville païenne, tandis que Constantinople a été créée en tant que ville chrétienne, en tant que capitale chrétienne d'un Empire qui sera  désormais en premier lieu chrétien. Bien sûr, il y avait eu une ville grecque appelée Byzance, à l'emplacement de Constantinople, mais Constantinople est une deuxième capitale qui avait comme vocation d'être la capitale chrétienne par excellence.

A vrai dire, dans les débuts, cette conception n'est pas claire dans la mentalité des Constantinopolitains, mais avec la liturgie impériale byzantine, elle va s'affirmer et s'imposer devant l'Eglise grecophone.

L'empire byzantin : De l'Iconoclasme à l'orthodoxie

Ce que nous appelons l'Empire byzantin ce sont ces régions grécophones qui seront capables d'opposer une résistance, efficace en fin de compte : Il s'agit de la résistance : organisée à partir de 717 par les empereurs ariens. Ces derniers étaient des barbares de l'intérieur, barbares des plateaux d'Anatolie, qui viennent à la rescousse de ce qui reste du monde chrétien grec pour l'organiser et qui imposent dans les régions côtières de l'Asie mineure, et de la péninsule grecque, une forme puritaine de christianisme que nous comprenons assez mal, dont nous savons, dont nous savons mal les origines et  les aspirations. Il s'agit de ce que l'on appelle l'iconoclasme, c'est-à-dire la guerre contre les images, qui était également la guerre contre les monastères et les moines de la région la plus grecque de l'Ancien Empire romain oriental.

Les Isauriens triomphent au cours du VIIe siècle : les Arabes sont refoulés jusqu'aux frontières de la Syrie, les Bulgares sont au moins contenus et l'Empire romain chrétien est restauré et l'empire  romains chrétien est restauré. Mais c'est un empire romains chrétine ien réduit, et qui n'est plus limité à des terres grécophones.

C'est à cette période que paraît le terme "orthodoxe" pour désigner l'Eglise iconodule, qui s'oppose aux empereurs isauriens iconoclastes. Après quelques péripéties, une première restauration des images, à la fin du VIIe siècle, et puis une deuxième restauration des images, à la fin du VIIe siècle, et puis une deuxième restauration cette fois définitive, à partir de 843 (Fête du "Triomphe de l'Orthodoxie, ce nouvel Empire, créé  par les empereurs isauriens, revient aux images et au monachisme, tel qu'il existe dans la région de la Mer Egée. On se trouve devant une Eglise centrée essentiellement sur une pratique essentiellement sur une pratique monastique, la paroisse au sens occidental (et au sens orthodoxe ultérieur), n'existe plus dans cet empire byzantin. Il s'agit d'un christianisme orghanisé autour du monéastère, un phénomène urbain dans les campagnes, ce sont les monastères, plutôt qu'un réseau d'églises paroissiales, qui déservent la population qui restre effectivement à christianiser.

Du IXe siècle au milieu du XIe siècle, l'Empire de la dynastie macédonienne n'est qu'à l'apogée de ce qui a été fondé par les Isauriens, mais bien sûr, il est maintenant orthodoxe. Ce christianisme orthodoxe, se centre sur la question des images non plus sur la question christologique. C'est de cet empire, de cette orthodoxie, de cette chrétienté d'orient, que la Russie reçoit le christianisme.

Quelle est la nature de cet Empire? Premièrement il s'agit d'un empire, très militarisé, organisé en thèmes depuis l'empereur Héraclius (575-641). au début du VIIe siècle; mais le système est généralisé par les Isauriens. C'est un empire militaire, bureaucratique, dominé par un empereur autocratique qui est maintenant, beaucoup plus qu'à l'époque de Justinien ou de Théodose, un personnage, quasi sacré,  C'est à l'époque des Isauriens que les byzantins ajoutent le titre de basileus à leurs titres. Il était déjà  imperator autocrator, commandant en chef, puissance indépendante et suprême il est maintenant basileus, c'est-à-dire schah in schah, titre qu'il prend, des Sassanides, et les cérémonies à la cour byzantine, qui nous décrit par Constantin  Porphyrogénète, et qui faisait l'émerveillement des Latins, qui s'aventuraient dans ces régions-là, est presque au niiveau de l'office de de Sainte-Sophie.

Donc il s'agit d'une Eglise-Empire militaire, c'est-à-dire relativement primaire dans ses formes d'organisation (comparée à l'empire de Théodose de Justinien), Empire. théocratique bicéphale (empereur et patriarche), une Eglise d'un niveau théologique moindre que le niveau de la gfrande époque des quatre premiers conciles ou même des sept premiers conciles, à l'époque des grandes controverses théçologiques. Dans ce nouvel empire,  ce qui prédomine c'est une question d'images, une question beaucoup plus primaire que celles de l'époque précédente.    

Une nouvelle forme de monachisme apparaît, avec le "Triomphe de l'orthodoxie" (11 mars 843), dont la création du monastère du Studion à Constantinople, est le type, Le Studion a été créé par Théodore de Bythinie, sur la côte de la Mer Noire, ; ce monachisme est centré sur le culte des images, c'est un monchisme enthousiaste, un monachisme militant parce que forgé dans la lutte contre l'iconoiclasme, et, encore une fois, c'est lui qui jouera un rôle majeur dans l'évangélisation à la fois des foules urbaines et des masses rurales. C'est à cette époque que naît l'extrtaordinaire confédération de monastères qu'est le Mont Athos, qui, lui aussi, s'inspire du monachisme studite.

Tel est l'héritage qui est introduit en Russie, La Russie de Kiev devient une métropole  du patriarcat de Constantinople. Il y avait déjà un patriarcat slave  celui de Bulgarie, d'Okhrid, mais pas vraiment reconnu comme tel,. En effet, les Byzantins avaient accordé aux Bulghares un siège de métropolite autocéphale et les Bulgares l'avaient érigé en patriarcat. La métropole de Kiev n'était même pas autocéphale. C'était une métropole entièrement soumlise à Constantinople.

Autre trait de la culture byzantine chrétienne à l'époque : il y a eu quelque chose que l'on appelle la renaissance macédonienne. Tous les  byzantinistes ne sont pas d'accord sur la renaissance macédonienne à côté des défenseurs de la thèse de la renaissance, d'autres la nient et prétendent que nous avons l'illusion d'une renaissance macédonienne au Xe siècle, surtout parce que, pendant l'effondrement, les manuscrits provenant de cette époque-là, ont été perdus, (tandis que du fait de la paix intérieure, à l'époque macédonienne, beaucoup de manuscrits ont été conservés), ce qui nous laisse croire qu'il y avait eu un haut niveau d'intérêt non seulement pour les Pères de l'Eglise grecque, mais pour les classiques grecs païens, Platon, Aristote etc... Impossible de trancher sur cette question-là.

De toute façon, il nous reste une abondante littérature de commentaires à l'époque macédonienne. non seulement sur les Pères de l'Eglise grecque, mais pour les classiques grecs païens. C'est-à-dire que,  dans cette byzance macédonienne, on commence à développer une conscience, "nationale " ou "collective grecque". Elle a deux racines : la grécité, qui remonte à Homère, et le christianisme qui, bien sû,, remonte aux Apôtres, mais avec quelque chose qui les distingue, en tant que que communauté chrétienne, de la communauté latine, qui elle, a d'autres racines  culturelles, qui, pour la première fois,  implioque un sens plus aigu de la séparation des Eglises. La Russie va hériter de ce sens d'Eglise séparée de l'intérieur du christianisme.

Le schisme de Photius

En plus, au commencemen de l'époque macédonienne, se place le premier vrai schisme entre l'Eglise d'Orient et l'Eglise d'Occident, le schisme de Photius. Photius (820-895) , qui a  été longtemps honni des latins, a été plus ou moins réhabilité au XXer siècle part un prêtre catholique d'origine tchèque, le Père Francis Dvornik. Il a montré qu'il y avait autant de malentendus que de vrais problèmes dans ce schisme. De plus Photius durant son deuxième patriacat, n'a pas été excommunié par Rome, c'est une invention postérieure. Néanmoins, cette affaire de Photius, marque le commencement de division, et, puisque tout cela est transmis aux Russe, il vaut la peine de s'arrêrter un instant sur ce point.

Le conflit entre Constantinople et Rome n'a pas été fondamentalement une question de juridiction.Il ya bien eu une qurelle de juridiction concernant la région de l'Illyricum, mais le fond de l'affaire à la témérité des Carolingiens et finalement à la papauté qui a décidé toute seule, de reconstituer un empire d'Occident. Les détails sont bien connus : l'alliance entre la papauté et le royaume franc de Pépin d'abord et ensuite le couronnement de Charlemagne comme empereur d'Occident. Le pape s'est arrogé le droit d'agir comme puissance politique première en Occident, quoique pour ce qui est pour ce qui était de certaines de ses terres romaines, il fût sujet de l'empire d'orient. Bien sûr, Charlemagne n'avait pas eu besoin d'exercer beaucoup de pressions sur le pape pour devenir enpereur.: le pape le voulait lui aussi. Mais ce fait n'avait jamais été accepté par les Byzantins, même si leur domaine, allait , comme une peau de chagrin, allait se rétrécissant. 

En effet, l'ancien empire romain se voyait toujours au sommet d'une hiérarchie politique universelle et immuable. L'empire résidait entièrement à Constantinople, mais la culture vraie était était à Constaninople, et seulement à Constantinople, puisque l'occident était redevenue barbare. Donc il y avait un double problème: Hélènes et barbares, mais aussi empereur, mais aussi empereur et roi sujet,. Le roi des francs avait le droit avait le droit d'être le roi des Francs, mais pas le droit de s'ériger en empereur d'Occident. Constantinople n'a jamais accepté le fait.

Lorsque le pape a essayé d'exercer sa juridiction pour déposer Photius, la querelle du Filioque a été soulevée (il s'agit d'une pratique liée à la chapelle de Charlemagne), puis le pain azyme, pratique occidentale, etc.  Il ne faut pas oublier qu'aux yeux des byzantins l'Occident renaissant était à la fois une menace à la fois pour l'unité de l'empire et pour la supériorité culturelle de la seule civilisation vraie,, celle qui plongeait ses racines dans Homère ainsi que dans la Tradition des Apôtres et des Pères de l'Eglise grecque. C'est autour de cette hostilité des Grecsà l'égard des ambitions latines, d'abord de la monarchie francque ensuite de la monarchie sexonne et surtout de la monarchie pontificale, que la haine des Grecs à l'égard des Latins va se développer, pour culminer après la prise Constantinople par les Croisés en 1205.

La conversion des Barbares.

Il y avait une autre affaire qui, elle, touche à la Russie. Il s'agi de la conversion des barbares du nord et des deux politiques très différentes qu'ont adoptées les Eglises orientales et occidentales. avec des conséquences qui vont durer jusqu'au XVIIIe siècle. On le sait, l'Eglise d'Occident a fini par imposer la langue  et la liturgie latines aux barbares convertis. L'Eglise d'Orient, pour sa part, a reconnu l'utilisation de la liturgie en langue vulgaire, d'abord en Arménie, et ce qui nous intéresse directement, chez les slaves. Pour ce qui concerne les conséquences de ces politiques, on pose deux affirmations.. Premièrement, la politique byzantine a été, en un sens, plus éclairée  parce que reconnaissant l'identité l'identité nationale ou pronationale des peuples qui existaient bel et bien, et que c'était à la longue,leur faire un bien que de leur permettre de célébrer la liturgie dans leur langue. Deuxièmement,, on dit que le fait en Occident le christianisme a apporté également la langue latine, c'est-à-dire la culture classique, a été un bienfait énorme dans les pays barbares, la culture classique, a été un bienfait énorme dans les pays barbares, parce qu'ainsi ils pouvaient accéder à la culture, alors que du fait que les Slaves surtout ont enfermé ont enfermés dans le slavon d'église, ils se sont trouvés coupés de la culture grecque, donc appauvris pour des siècles. Probablement, il y a beaucoup moins de politique consciente dans ces deux chois qu'on ne le dit plus souvent.

En occident, l'Eglise n'avait pas d'objection de principe à l'utilisation d'une langue vulgaire en tant que langue liturgique, ce qui est prouvé par le fait que le pape Nicolas Ier a reconnu l'introduction de la liturgie slavonne en Moravie par Cyrille et Méthode. Si le latin a triomphé partout en Occident, c'est essentiellement parce que les barbares étaient minoritaires en terre chrétienne. latinophone, aussi, quand ils entrent dans l'Eglise, ils entrent dans une Eglise qui a déjà une langue latine. C'est ce qui se passe pour les deux tiers des barbares en Occident, ceux qui vivaient dans l'ancienne aire de l'Empire romain : la latinisation a été une absorption d'une minorité 

Pour les barbares qui sont restés en dehors du limes romain, c'est la romanie des carolégiens qui est responsable de la latinisation. Ce n'est pas tellement Rome, mais Charlemagne et ses successeurs qui ont pris leur dignité  d'empereur romains tellement au sérieux qu'ils essayaient d'utiliser seulement la langue latine. C'est essentiellement ces deux facteurs-là plutôt qu'une décision constante de la part de Rome, qui est responsable de l'utilisation du latin en Occident. 
Pour ce qui concerne les Grecs : ils n'étaient pas très portés à accorder une indépendance liturgique aux barbares. Ils ont été bel et bien forcés de le faire parce qu'ils n'ont pas été en mesure de l'imposer une hiérarchie grecque aux barbares.  

 

Encore une fois, ce qui distingue les deux mondes latin et byzantin, ce n'est pas tellement les Eglises elles-mêmes que l'Empire. L'empire n'était pas tombé en Orient et donc accepter l'intégration à l'Eglise grecque que ce soit de la part des Bulgares, ou des Varègues ou des Russes ou de Serbie c'était accepter la soumission à l'Etat byzantin, et les barbares en Orient voulaient au moins un statut d'allié de l'Empire byzantin; dans le cas des Bulgares, ils voulaient tout simplement l'empire lui-même; en somme, ils voulaient être les Fracs de l'Orient. L'empire était tombé en Occident, ce qui a permis aux Francs d'abord; aux autres ensuite, de se substituer à un Etat qui n'existait plus, de se faire légitimer par l'Eglise, qui existait toujours, puis de devenir un des instruments de l'agrandissement de cette Eglise parmi des barbares encore plus barbares.

 

En Orient, pour les Bulgares, accepter la liturgie grecque signifiait l'incorporation à l'empire Byzantin. Le célèbre alphabet slavon, la liturgie slavonne, est  de ces circonstances-là Les peuples de ces régions-là, pour éviter d'être latinisés par les Francs ont demandé à Constantinople de leur envoyer des missionnaires capables de les convertir dans leurs langue. Cyrille et Méthode ont inventé l'alphabet glagolitique, pas l'alphabet Cyrillique, pour ces populations, et puis au terme de  péripéties (y compris la reconnaissance de cette nouvelle liturgie par Rome.La Moravie tombe dans l'orbite franque et donc latine, tandis que  les disciples de Méthode sont expulsés et se réfugient en Bulgarie; leur présence donne à Boris de Bulgarie l'idée géniale de se convertir, ni au christianisme latin, ni au christianisme slavon. D'abord il joué la carte romaine contre les byzantins; puis, avec l'arrivée de ces missionnaires slaves, il joue la carte  slavonne contre les byzantin et obtient la première Eglise barbare du Nord à ne pas avoir une liturgie méditerranéenne . C'est en Bulgarie que l'alphabet glagolitique a été changé en cyrillique.

 

La conversion de la Russie, c'est à la fois un symbole avec le christianisme bulgare et l'extorsion par Vladimir de Kiev d'un statut d'allié de Constantinople  et non pas subordonné.  Pour la Russie, ce statut d'allié et non pas de subordonné est symbolisé par la liturgie  slavonne et aussi par une métropole, pas autocéphale, mais une métropole.  Cette deuxième chrétienté grecque se sentait offusquée par l'arrogance des franco-latins.  et commençait à se former une conscience non seulement chrétienne impériale universelle, mais byzantino-grecque, c'est-à-dire comportant ce mélange de supériorité de leur Eglise et de leur civilisation vis-à-vis des barbares de l'Occident. L'Empire macédonien, même s'il est doté d'un Etat vrai, ne peut pas absorber ses voisins barbares entièrement dans une seule orbite ecclésiastique, aussi est-il obligé de leur accorder l'autonomie culturelle sous la forme de la liturgie slavonne. Cette politique permet d'étendre cette deuxième chrétienté orthodoxe, car les nouveaux pays s'appellent orthodoxes aussi. Cette extension s'opère de façon décentralisée, à l'encontre de ce qui se fait en Occident.

 

Cette décentralisation sera pour beaucoup dans l'échec ultime de cette deuxième chrétienté byzantine et sera à l'origine de la conscience malheureuse qui va la dominer à partir du XIe siècle. Cette conscience malheureuse naîtra à Byzance mais sera prolongée en Russie. En effet, au XIe siècle a lieu un deuxième grand effondrement. Il est provoqué à la fois par les Turcs, à partir de la bataille de Montzikiert (1071) mais aussi par les latins honnis des Croisades et de ce que nous appelons le grand essor de l'Occident.

 

Cet essor s'explique par de nombreuses raisons : nous avons déjà vu la richesse agricole de la région fondée sur le développement des grandes plaines du nord; il y a aussi la renaissance des villes liée  à la reconquête navale d'une bonne partie de la Méditerranée à partir de 1074, la défaite des Arabes à la bataille de Madja au nord au nord de Tunis par les Pisans et les Amalfitains qui balaient les Arabes de la Méditerranée orientale. Il y a aussi les conquêtes des des marches de l'Empire carolingien par cette formidable machine de guerre qu'était la féodalité normande, conquête de l'Angleterre en 1066; début de la reconquista espagnole  lancée à partir des petits Etats pyréneéns postwisigothique et alimentée en grande partie par l'excédent de chevaliers français puisque la chevalerie était la grande industrie nationale de la Gaule à cette époque-là;  conquête de l'Italie du Sud par ces mêmes Normands; reconquêtes ou conquêtes militaires des régions de la Mer Baltique par les Allemands, bref, une expansion géographique énorme de la chrétienté latine anciennement barbare. Pour parachever cette entreprise, la grande conquête symbolique et psychologique outremer, c'est-à-dire les croisades à la fin du XIe siècle et la fondation de toute une série de principautés franques et latines en Syrie et en Palestine, terres anciennement byzantine, extraordinaire essor de la partie latine de la chrétienté qui, se sentait solidaire d'une chrétienté toujours universelle.

 

La réforme grégorienne.

Au coeur de toute cette immense entreprise, il y a ce qu'on appelle la réforme grégorienne à Rome, une réforme qui mériterait plutôt le titre de révolution grégorienne ; et ici nous avons la conséquence ultime de la chute de l'Empire en Occident et de son maintien en  Orient. Dans un premier temps, la chute de l'Empire d'Occident a facilité la christianisation et la latinisation des barbares occidentaux sous l'égide de Rome et l'utilisation d'un de ces royaumes barbares, l'Empire carolingien, pour se créer une zone de sécurité, de chrétienté; il faut bien que l'Eglise, la papauté aient une base territoriale sûre. Et l'Empire carolingien a été autant suscité par la papauté que la papauté a été sauvée des Lombards et d'autres par l'Empire carolingien.

 

L'empire carolingien disparaît pour laisser la place à l'Empire ottonien ou l'Empire saxon: saint Empire romain germanique. Il est à la fois beaucoup plus réussi mais beaucoup plus dangereux pour la papauté, parce que installé en Italie. En même temps, il y a un danger nouveau pour l'Eglise en Occident, celui de la féodalisation dans la foulée de l'Empire carolongien au Xe siècle et de la montée des Ottoniens au Xe et au Xie siècle. Grand danger que les monastères et les terres de l'Eglise deviennent des fiefs des seigneurds laïcs, que ce soit les petits seigneurs au niveau local ou les grands seigneurs au niveau impérial.

 

Devant ces deux dangers conjoints, les Ottoniens et la féodalisation, il y a la réponse de Cluny (fondé en l'an 910) qui, dans la troisième quart du XIe siècle, arrive enfin à s'emparer de la papauté; d'abord Léon IX, ensuite celui celui qui a été le plus grand génie du temps, Grégoire VII (1073-1085). Cette conquête de la papauté par une fédération monastique est animé par l'ambition de soustraire l'Eglise à la fois au pouvoir impérial. La querelle des Investitures manifeste cette double intention. La pratique impériale de l'investiture, c'est-à-la fois la mainmise des feudataires locaux et la mainmise de l'empereur sur l'Eglise. On comprend que la papauté ne puisse l'admettre. La papauté, depuis Grégoire le Grand (590-604); et plus tard avec Etienne II (752-757), avec Nicolas 1er (858-867), avait été le centre moral de l'occident. Elle était l'institution qui avait beaucoup plus que l'empereur, remplacé le défunt empire politique. Avec la réforme grégorienne, c'est une papauté à la fois impériale et eschatologique qui surgit. Elle a pour ambition de vouloir faire de la cité terrestre le reflet de la cité de Dieu, un reflet pas trop infidèle de la Cité de Dieu.

En fait, nous voyons naître quelque chose d'absolument extraordinaire à ce moment-là : on assiste à la création d'une autre forme de chrétienté à l'intérieur de la grande chrétienté de Constantin, de Théodose, de Justinien. Ce qui se passe c'est l'imposition d'un idéal monastique à la société tout entière. On commence par la trêve de Dieu et la paix de Dieu à l'intérieur des terres chrétiennes, et l'exportation de la guerre contre l'infidèle musulman turc. Cette christianisation de la guerre - si l'on peut dire - est chose très nouvelle. Rien de tel n'a jamais existé dans l'empire romain : c'était l'empereur qui faisait la guerre, l'Eglise n'avait pas s'en mêler. Même chose à Byzance ; c'était l'empereur qui faisait la guerre, qui seul tenait le glaive et maintenait en contrepartie la paix à l'intérieur de l'Eglise, comme à l'intérieur de la chrétienté (une paix jamais très bien observée d'ailleurs.) Maintenant, le pape exhorte la chevalerie, la chrétienté, à une contre-guerre sainte. L'idée, après tout, est partie des Arabes et a été reprise par les Turcs, les chrétiens ripostent dans le même genre : les Byzantins ont été étonnés quand les armées des Croisés sont passés à Constantinople, parce que chez eux, les clercs n'avaient pas n'avaient pas ce rôle dirigeant-là. Donc une tentative pour créer un monde chrétien.

 

Le deuxième trait de cette réforme concerne la vie privée : le célibat, c'est-à-dire l'idéal monastique, est imposé au clergé. Il s'agit-là d'une chose inouïe à l'époque, y compris à Byzance. A Byzance, et en tout cas en Russie, le clergé séculier est obligé à se marier. Mais la réforme ne concerne pas que le clergé ; elle touche le mariage qui, pour la première fois, devient entièrement formalisé en tant que sacrement. Il s'agit d'une christianisation de la sexualité entreprise par l'Eglise, et pas uniquement lorsqu'il s'agit des moines et moniales, mais de tous les chrétiens.

 

Ce n'est pas seulement la vie privée qui est ainsi christianisée, mais la vie publique, économique. Ainsi la nécessité de se contenter du "prix juste", est une façon de normaliser et de régulariser la vie économique. Cet ensemble de mesure est comme appuyé par le pouvoir de l'Eglise et par ses peines canoniques (excommunication et interdit.)

 

Il s'agit d'un mélange de l'idée romaine et de l'idée chrétienne et de ce mélange naît un empire qui, cette fois-ci, a véritablement pour but de réaliser la cité de Dieu sur terre, de créer une société chrétienne, en un  sens beaucoup plus vrai que l'empire romain de Justinien et de ses successeurs. Le plus étonnant, c'est que cette réalisation dure presque pendant deux siècles et demi, de Léon IX à Boniface VIII. Il existe un gouvernement de l'Occident latin, un gouvernement bureaucratique centralisé : la Curie romaine et le pape de Rome. Il gouverne à travers beaucoup d'instances féodales. Ce pouvoir diffère du système byzantin, mais il se présente comme un véritable gouvernement, et un gouvernement qui a donné à cette partie de l'Europe le sentiment de l'unité. Il existe donc une forme de l'empire et une forme de chrétienté à l'ouest, mais cette puissance, en s'affirmant à l'est écrase tout simplement les Byzantins et leurs alliés slaves en Bulgarie, Serbie et Russie.

Byzance devient anti-latine.

Alors commence à se développer chez les Grecs une incompréhension totale pour ce qui à leurs yeux constitue une monstruosité ; une puissance où le sacré et le profane, l'impérial et le patriarcal sont mélangés, où les deux glaives sont tenus par un même personnage, mi-empereur et mi-patriarche, qui a des visées oecuméniques, d'abord pour reprendre la Terre sainte et ensuite pour mettre fin au schisme des Croisades, c'est-à-dire par les moyens militaires. Devant une pareille nouveauté la chrétienté grecque a le sentiment d'être en train de tout perdre : elle se voit menacée par l'infidélité d'un côté, et par l'hérésie ou le schisme de l'autre.

Dans un premier temps, à l'époque des Commènes au XIe siècle, on essaie de vivre avec cette force nouvelle et immense. Pendant vingt ou trente ans, on laisse les armées des Croisés traverser les Balkans et l'Anatolie; on est un peu éberlué par cette irruption, mais on les envoie plus loin, vers Jérusalem pour s'en débarrasser. Puis, on est obligé de traiter avec eux et même de leur faire la cour. D'abord on doit avoir recours aux Vénitiens pour expulser les Normands des terres qui s'appellent maintenant l'Albanie. Mais les Vénitiens s'installent à Constantinople et ils s'emparent du marché de Constantinople. Ainsi, pris entre les Croisés francs et les marchands vénitiens, on se sent envahi, on se trouve humilié et on devient farouchement anti-latins. Au XIe siècle, les Grecs détestent les Latins plus que les Turcs. Les Turcs, on en avait une longue expérience puisqu'elle remontait aux Petchénèques. Ils conquéraient les terres, il fallait ou les soumettre ou leur payer un tribut : mais ils n'avaient pas la prétention de vous annexer chrétiennement. Avec la prise de Constantinople en 1204 par les Vénitiens et les Croisés, c'est la destruction de l'Empire byzantin qui est réduit à un petit empire, une sorte d'organe témoin.

 

 La dernière Byzance et l'Hésychasme

Ce sentiment anti-latin poussé à son paroxysme devient tellement ancré dans l'esprit du peuple humilié de cette chrétienté orientale qu'il en devient un trait constitutif. Ainsi s'ouvre une troisième période de cette Eglise orientale : la première étant celle de l'empire romain d'Orient jusqu'à Héraclius; la deuxième période : cette chrétienté en herbe, grecque qui s'appelle maintenant orthodoxe, des Isauriens et des Macédoniens, à laquelle les Russes se sont agrégés un peu avant l'an mil. Avec l'effondrement qui en gros va de la fin du XIe siècle à la chute de Constantinople (1452), avec ce dernier effondrement il y a la dernière phase de l'Eglise grecque, la période où l'Empire n'est plus l'ombre de lui-même : l'Empire et l'Eglise grecs sont obligés de quémander argent et soldats en Occident pour se sauver des Turcs, de faire deux Unions avec l'Occident : union de Lyon en 1214 et Union de Ferrare-Florence en 1439 qui se soldent par un échec.

Cette chrétienté avortée d'Orient engendre à cette époque-là une nouvelle forme de spiritualité, qui n'est plus exactement la forme du monastère, ou des premiers monastères du Mont-Athos. Cet esprit nouveau est plus mystique, plus tourné vers l'autre monde, ou, si l'on veut, moins tourné vers notre monde, mouvement qui s'appelle hésychasme. Il est très important non seulement chez les Grecs, mais chez les Slaves, chez les Bulgares et les Serbes surtout, et pénètre en Russie sous une forme affaiblie. Les Russes sont moins évolués que les Bulgares ou les Serbes, qui au XIIIe siècle-XIVe siècle ont leur grande époque ; c'est une époque d'humiliation des Russes.

On ne peut dire que cette nouvelle forme de spiritualité soit tout simplement un reflet de l'échec terrestre de la chrétienté orientale d'alors, mais elle est apparentée à cet échec terrestre. De plus, en 1453, l'Empire byzantin tout entier disparaît, tout au moins le coeur de la deuxième chrétienté n'est plus là. Bulgares, Serbes et Roumains étaient tombés sous la domination turque; Il ne restait plus que la Russie en tant que terre orthodoxe indépendante et héritière de ce monde byzantin

La Russie hérite de la dernière Byzance.

Comment cet héritage est-il transmis en Russie? Dans un premier temps, la période de Kiev, l'Eglise russe n'est qu'une province, une métropole, peu développée de l'Eglise orthodoxe de l'empire macédonien. Elle assimile assez bien  les aspects les plus élémentaires de l'héritage macédonien, c'est-à-dire rien de l'aspect hellénistique mais l'essentiel de la liturgie grecque orthodoxe : culte des images, organisation monastique, législation ecclésiastique, tribunaux ecclésiastiques etc. Il n'y a rien de spécifiquement russe à signaler à cette période-là. 

Lorsque les malheurs  commencent pour la Russie, c'est-à-dire au milieu du XIIIe siècle, Constantinople était au fond de ses malheurs; entre l'humiliation d'être tombée aux mains des latins, c'est-à-dire au milieu du XIIIe siècle, Constantinople était au fond de ses malheurs ; entre l'humiliation d'être tombée aux mains des Latins pendant un siècle, et la prise de Constantinople par les Turcs. Entre temps, la Russie adapte son système monastique au développement du nord-est, de la région qui va devenir la Moscovie. Les XIVe et XVe siècle sont la grande époque d'un monachisme qui doit beaucoup plus aux ressources mêmes de la Russie qu'à l'importation des formes venues de Byzance. Les premiers monastères russes,la laure des Grottes Kiev est une imitation  du Studion. Mais le monachisme russe est moins cénobitique, plus érémitique : au départ, on trouve des skites, les ermitages les plus célèbres par exemple celui de Saint-Serge de Radonège (Zagorsk sous le régime soviétique). Ce développement s'opère à partir des ressources ecclésiastiques russes elles-mêmes dans cette période qui connaît la domination tartare.

Ce développement monastique des skites dans la Russie du nord-est,puis celui des terres d'au-delà de la Volga (d'où sortiront à la fin du XVe siècle saint Nil Sorski et ses disciples), doit quelque chose à cette nouvelle spiritualité hésychaste qui vient de Constantinople et des Balkans. A ce propos, il faut noter que, à cette époque comme au cours de la première période, le développement russe vient des Balkans autant que de Constantinople, il vient même surtout de la Bulgarie : c'est à Constantinople et Nicée (Nicée où pendant quelques années s'est affirmée cette spiritualité de l'époque des malheurs) qu'il s'est développée et qu'il a été adaptée par les Bulgares qui l'ont transmis en Russie.

Avec cet apport byzantin et bulgare s'ouvre la grande époque orthodoxe en Russie. En partie parce que, à cette époque-là, l'Eglise russe n'hérite pas encore massivement du sentiment anti-latin de Byzance. Certes, à Byzance nous sommes déjà en plein dans l'époque anti-latin de Byzance.mais puisque les Russes ont à faire face aux Tatares, ils s'inquiètent moins de l'influence latine en Pologne-Lituanie. Lorsqu'ils s'inquiètent de l'influence latine en Russie, lorsqu'Alexandre Nevski résiste aux Suédois et aux Chevaliers du Glaive etc. ce n'est pas la grande affaire en Russie

Au début du XVe siècle, sous le concile de Florence, après la chute de Constantinople et la fin du joug mongol, commence une troisième période de l'histoire russe. C'est l'époque de la Moscovie naissante, Vassili II, Vassili III et Ivan le Terrible. Alors, la Moscovie s'organise selon une assez mauvaise imitation de l'Empire byzantin de la grande époque des Isauriens et des Macédoniens, mélangée aux sentiments anti-latins de l'époque des Comnènes et surtout des Paléologues. Il s'agit d'une mauvaise imitation, de l'Empire macédonien, d'abord parce que les Russes connaissent mal leur modèle : ils ne le connaissent que par ce qu'il en restait dans l'empire des Comnènes et surtout des Paléologues. De plus, cette imitation était un anachronisme, un anachronisme total, parce que le coeur de la deuxième chrétienté était maintenant terre d'Islam. Moscou se voit promue aux yeux de certains au rang de la troisième Rome, Mais Moscou était une puissance peu convaincante et aux yeux des Européens de l'Ouest et même aux yeux des Moscovites eux-mêmes.

Que s'est-il passé? Au concile de Florence (1439), l'empereur et le patriarche ont trahi; telle est l'opinion non seulement des Moscovites, mais de la population orthodoxe grecque elle-même. C'est le peuple qui refuse le concile de Florence ; de nombreux prélats qui avaient signé à Florence retirent leur signature et l'Union échoue pour cette raison-là. Le fait que les Moscovites, à l'époque de Vasili II, l'Aveugle, s'opposent au métropolite de Moscou Isidore, un grec devenu cardinal,ayant signé l'Union lors du concile de Florence, n'est pas un événement extraordinaire; il en va de même dans toutes les terres de foi orthodoxe. Lorsque Constantinople tombe aux mains des Turcs (1452) , ce fut considéré par les Grecs eux-mêmes et par la Moscovie comme la punition de Florence (1439). L'empereur et le patriarche étaient tombés dans le péché latin ; ils en ont été punis par leur assujettissement aux Turcs . Mais comme Moscou n'était pas assujetti aux Turcs - à la différence des Bulgares et des Serbes - , il est permis de penser que la foi orthodoxe subsiste seulement à Moscou. Ainsi Moscou devint à la foi le lieu de la véritable Eglise et du véritable Empire.

Il y a donc transfert en Russie des idées qui avaient commencé à s'élaborer avec Photius et Cérulaire, mais ces idées ne sont formulées de façon polémique que sous la pression latine sur l'Empire byzantin, lorsque cette tutelle fut si pressante que les Grecs ne respiraient plus chez eux. C'est ce complexe qui est transféré à Moscou. Or, la Moscou du XVe siècle est, à certains égards, aussi pitoyable que la Byzance de la fin. En effet, Moscou de la fin du XVe et au début du XVIe siècle est toujours encerclée par les musulmans à l'est et par les latins polono-lituaniens à l'ouest. Cet encerclement par les Chevaliers-porte-Glaive dans les Pays baltes, c'est l'encerclement qui a donné lieu à la constitution de l'autocratie moscovite, à la première monarchie militaire moscovite.

On le voit, cette idéologie défensive qui s'est développée à la fin de l'empire byzantin, trouve des conditions très favorables à un nouvel épanouissement dans cette Moscovie de Vassili l'Aveugle, d'Ivan II le Grand, et d'Ivan le Terrible.Il s'agit d'une Moscovie qui n'est ni très forte, ni très grande. Mais elle développe l'idéologie de "Moscou la Troisième Rome". Elle est le seul empire valable, la seule Eglise valable. La haine des Latins fait partie de cette idéologie. On peut dire que dans la Moscovie de la deuxième moitié du XVe siècle, et du XVIe siècle jusqu'au Temps des Troubles, on hait les Latins plus que les Turcs,plus que les Tatares et les musulmans, ces latins orgueilleux qui ont réussi leur poussée vers l'Est.

On se souvient qu'Ivan le Terrible est assez facilement venu à bout des khans de Kazan et d'Astrakhan. Quand il s'oriente vers l'Occident, il ne réussit guère. La crise de l'intérieur, de la nouvelle monarchie militaire moscovite est déclenchée par cet échec, lors de la guerre livonienne.

De même ce nouveau nationalisme orthodoxe, fondé sur un simulacre d'imitation de Byzance, se révèle inadéquat au moment des Troubles (1584-1613) et surtout lorsque la Russie moscovite entre en contact avec une autre orthodoxie celle de l'Ukraine. Celle de Kiev, qui, pour faire face à la contre-réforme du royaume de Pologne, s'était latinisée : dans sa langue théologique, dans l'organisation de son enseignement, sa polémique sa théologie etc.

Ainsi, au début du XVIIe siècle, la première monarchie militaire moscovite est en plein échec, tandis que, avec les invasions polonaise et suédoise, la latinophobie est à son comble. En même temps, au XVIIe siècle, on se rend compte que cet héritage byzantin est démodé. Non pas bien entendu ce qui est d'ordre proprement religieux, (sacrements etc.) mais ce qui n'est pas proprement religieux, c'est-à-dire tout cet héritage byzantin. Il se montre démodé, archaïque, et laisse la Russie sans défense sur le plan culturel devant l'Occident, tout comme elle reste sans défense adéquate devant l'Occident sur le plan militaire, avec une armée héritée des Tatares et quelques régiments d'arquebusiers étrangers.

Au cours du XVIIe siècle, bien avant Pierre le Grand, on se détourne du byzantinisme finissant, on essaie de sortir de cette conscience malheureuse, défaitiste, mystique, et dirigée vers le seul intérieur ; on essaie de sortir de cet héritage byzantin tardif pour se mettre à l'école de Rome et de la contre-réforme. Il ne s'agit pas véritablement de la fin définitive de la deuxième chrétienté, car on passera de cette école romaine de la contre-réforme à l'école protestante de l'Europe du nord. Ce dernier changement est beaucoup plus radical, c'est lui qui nous permet d'arriver à l'époque de la civilisation séculière (au XVIIIe siècle).

La Russie est maintenant dans l'orbite d'une seule culture qui était européenne. Cette culture laïcisée provient de la chrétienté mais s'en est séparée. C'est à ce phénomène de sécularisation que la Russie va devoir faire face, au moment où elle devient une des grands nations de l'Europe moderne.

 

Martin Malia

Dans Plamia N° 61  

 

 

  

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                               

 

 

 

 

 

 

 

 



27/12/2016
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